28/04/2015
"L'islamophobie est-elle un racisme ?"
Question faussement absurde, et (en fait) symptomatique :
C'est un amusant dessin de Willem ce matin*. Dialogue entre un petit personnage et un professeur barbu : « L'islamophobie, est-ce du racisme ? » Le professeur répond : « Bien sûr.... Depuis qu'on a découvert que la religion est une race ! » – « Comment le combattre ? » – « Par le brassage... On croise une scientologue avec un hindou, un animiste avec une protestante, etc. Bientôt il n'y aura plus de religions distinctes, donc plus de racisme... » – « Merveilleux ! », s'exclame le petit personnage : et il s'enfuit en portant dans ses bras une femme en burqa. Voilà résumée la bêtise contemporaine.
Disséquons-la :
► Le mot « islamophobie » est un mot hypocrite. Littéralement, il voudrait dire « peur obsessionnelle de l'islam ». Or on ne parle pas ici du spectacle de la violence de masse, type EI, mais des relations entre Français habituels et « communautés immigrées ». Et si peur il y a de la part des Français habituels (ce qui est à prouver), vise-t-elle vraiment l'islam – en tant que foi religieuse** ? Non : elle vise une façon de vivre, que des immigrés seraient censés vouloir imposer à toute la société. Ce que vise donc « l'islamophobie » (si elle existe) n'est pas la foi en Allah : c'est l'immigration ! Le FN affecte de critiquer le phénomène religieux, mais personne ne s'y trompe.
► Qui emploie ce mot ? Certains lobbies : donc aussi les médias... « Islamo-phobie » fonctionne comme « homo-phobie ». Le rôle du mot « phobie » est de diluer un cas particulier (ici, celui de la partie musulmane de l'immigration) dans une théorie très générale (le « droit à la différence »). Ce que le mot « islamophobie » prétend désigner et dénoncer, c'est le regard porté sur une façon de vivre « islamique » : mais il s'agit en réalité de la façon de vivre de communautés issues de l'immigration... Ainsi : 1. le mot « musulman » et le mot « immigré » deviennent quasi-synonymes ; 2. le problème de l'intégration des immigrés est dilué dans celui du respect des différences spirituelles ; 3. au nom de la théorie du droit à la différence, on évite de réfléchir sur les problèmes concrets que poseraient certaines conditions du « vivre-ensemble » (comme disent par ailleurs nos médias). On a noyé les réalités dans l'idéologie, ou ce qui nous en tient lieu.
► Ainsi systématisée par les médias, la notion de « phobie » interdit toute analyse ; elle est un moyen de ne pas penser. J'utilise quelquefois le mot « phobie » parce qu'il est exact dans certains cas ; mais il devient faux et déformant quand il est martelé comme on le fait depuis dix ans, en l'appliquant à n'importe quoi.
► Il devient évidemment faux quand on l'applique à la spiritualité. C'est ce que montre le dessin de Willem par cette caricature : réduire non seulement le religieux au communautaire mais le communautaire au racial, ce qui est évidemment faux. Si certaines religions sont la sacralisation d'un communautarisme (les Sikhs par exemple), d'autres ont au contraire une vocation universelle. Elles sont d'une autre sorte.
► Les chrétiens français sont-ils immunisés contre le communautarisme ? En principe oui, puisque leur seule « identité » est Jésus Christ. La religion la moins communautariste de toutes est la religion chrétienne, ils devraient être les premiers à le savoir ! Mais, en pratique, ils ont parfois du mal à résister aux sirènes des « athées pieux »***. Ceux-ci les pressent de se comporter (dans le pire des cas) comme des islamistes à rebours, ou (dans le moins pire) comme des sortes de Sikhs : une « communauté fière de ses valeurs ». Je laisse aux ironistes le soin de trouver ce qui chez nos bien-pensants pourrait être l'équivalent du turban, du peigne et du petit couteau.
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* Libération 28/04, p. 22
** Foi dont les phobiques (s'ils existent) ignorent le contenu : neuf Français sur dix sont étrangers à toute religion.
*** "Athées pieux" : formule de l'évêque de Nanterre en 2013. Courant de droite, les "athées pieux" veulent voir le catholicisme (selon l'idée passéiste-ritualiste qu'ils s'en font) comme "la religion occidentale" : une paganisation du judéo-christianisme. Certains milieux catholiques français n'opposent qu'une faible résistance à cette récupération.
Une sorte de Sikhs ?
13:21 Publié dans Idées, Religions | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : religions, islam
Commentaires
PHOBIES
> Disons le mot: l'emploi systématique des termes en "-phobe ou -phobie" n'est pas un simple moyen de ne pas penser, c'est une arme pour déprécier, cupabiliser et donc neutraliser tout argument de l'interlocuteur. Il y a un nom pour cela: le terrorisme intellectuel.
Contre le mariage gay ou la GPA? vous êtes homophobe.
Vous vous posez des questions sur la prédominance d'un communautarisme dans telle banlieue? toc! islamophobie.
Vive la connophobie!
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Écrit par : Pierre Huet / | 28/04/2015
EXAMEN
> Que ce soit sous les oripeaux de la religion ou de la contre-religion un même fanatisme, une même violence est à l’œuvre quand il s'agit de prendre le pouvoir. Pour en finir avec le degré zéro de la réflexion, les peurs instinctives et les anathèmes, dans un souci de retour à la raison, Philippe Oswald préconise l'examen attentif et critique des textes fondateurs "des grandes religions, des constitutions, des régimes politiques" : "Par qui et comment sont-ils interprétés ? Que disent-ils de l’homme, de ses libertés, du bien commun, du « vivre ensemble », de la tolérance ? Voilà, me semble-t-il, un programme à la hauteur des défis aujourd’hui lancés à la nation, et vraiment digne de cette « refondation » de l’École que nous promet notre ministre de l’Éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem."
http://www.aleteia.org/fr/politique/article/opinion-sur-la-laicite-jai-comme-un-douteet-une-idee-5800134684180480?
Il faudrait d'ailleurs prendre en considération le statut du "livre saint" pour le croyant. En ce qui concerne islam et christianisme, on peut se référer au livre du père François Jourdan : "Dieu des chrétiens, Dieu des musulmans". Le Coran, texte incréé directement inspiré par Dieu est parole de Dieu et ne peut en rien être critiqué. Dans le christianisme, la parole de Dieu, c'est le Christ. L’Évangile, dans cette logique d'incarnation, est pleinement humain, pleinement divin et donc ouvert aux critiques de la raison (cf : Encyclique Fides et ratio du pape Benoît XVI en 1998). A partir de ce constat, quel est le statut des paroles bibliques tant décriées dans les médias ces temps-ci ? du Coran et des Hâdith ?
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Écrit par : isabelle / | 28/04/2015
> Rectificatif. La lettre encyclique «fides et ratio» est bien sûr du pape Jean-Paul II même si Benoît XVI l'a fortement inspirée.
"Foi et la raison sont comme les deux ailes qui permettent à l’esprit humain de s’élever vers la contemplation de la vérité toute entière. C’est Dieu qui a mis au cœur de l’homme le désir de connaître la vérité et, au terme, de Le connaître lui-même afin que, Le connaissant et L’aimant, il puisse atteindre la pleine vérité sur lui-même."
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Écrit par : isabelle / | 28/04/2015
SENS
> ces rengaines sont fatigantes et le glissement de sens de "phobie" est malhonnête.
On a atteint un sommet avec le néologisme "homophobe" qui est soit un mélange gréco-latin soit signifie "peur de soi-même".
me gourré-je ?
à force de vouloir créer des mots...
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Écrit par : E Levavasseur / | 28/04/2015
@ Levavasseur :
> En pur grec, ce serait plutôt "peur du semblable". Ainsi, quand je croise quelqu'un qui me ressemble de façon étrange (cela m'est déjà arrivé une ou deux fois), j'ai un net sentiment de malaise. Ce qui fait de moi un individu quelque peu "homophobe", et je parie, loin d'un cas isolé.
En réalité, la phobie est une condition clinique plus ou moins sérieuse. Ainsi une condamnation pour "homophobie" devrait logiquement se limiter à une obligation de soins. Si l'on veut nommer correctement la détestation de l'homosexuel, il faudrait voir à creuser un peu plus sérieusement les dictionnaires étymologiques ("miséraste" ?).
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Écrit par : Albert Christophe / | 28/04/2015
@ Albert Christophe
> merci !
On va finir par faire pipus dans les cacti et les gerania, en regardant les boni des DVD pour en discuter sur les fora !
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Écrit par : E Levavasseur / | 29/04/2015
@ Albert Christophe
> En toute rigueur sémantique, la peur ou la détestation de l'homosexuel devrait s'appeler "hétérophobie" puisqu’il est différent de moi !
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Écrit par : Michel de Guibert / | 29/04/2015
@ E Levavasseur :
> Ah ! le "pipus dans les cacti", exemple de boutade légendaire attribuée à des tas de personnalités, avec ou sans képi: Lyautey, Baudelaire, le grand Charles...
Mais ressortez-la plutôt quand vous me verrez faire le cuistre sur des pluriels.
@ Michel de Guibert :
> Vous devriez en discuter avec Philippe Ariño !
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Écrit par : Albert Christophe / | 29/04/2015
FINKY
> Je ne peux m'empêcher de penser à Alain Finkielkraut : chez lui le refus de l'islam s'accompagne d'un refus tout aussi intransigeant de l'immigration - lui, le fils d'immigrés !
Comme il l'a expliqué, dans une conférence sur Heidegger [http://plus.franceculture.fr/heidegger-et-les-juifs], la population immigrée menacerait de se « substituer » à la population native (une allusion transparente à la théorie du "Grand Remplacement").
D'où son opposition « au pape et à la gauche » : venir en aide aux boat people, ce serait ouvrir la voie aux barbares. Il vaut donc mieux qu'ils meurent.
Mais je n'entre pas dans le détail de ses justifications macabres.
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Écrit par : Blaise / | 30/04/2015
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